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Stage d'orientation

Reebok Mega Store : une expérience unique … et différenciante ?

Chaque jeudi, nous relayons un article de COMinside, le blogzine de l’ESP, terrain d’entraînement rédactionnel des ESPiens. Vous y découvrirez les articles que nos étudiants consacrent à l’actualité communication, médias, digitale, événementiel ou marketing entre autres. Cette semaine nous vous partageons celui de Yanis Debit, étudiant en Bachelor 2ème année qui s’est interrogé sur le Reebok Mega Store en tant qu’expérience client !

 

Bleu cyan, rose fuchsia : ces couleurs peu anodines s’opposent gaiement aux pavés ternes du 2ème arrondissement parisien. Pour sûr, la devanture colorée du Reebok Méga-store attire l’œil ! La marque s’est installée durant deux semaines dans un très grand local commercial sur le Boulevard Sébastopol. Avec ce pop up store de trois étages situé au cœur de Paris, l’enseigne affirme son identité rétro/vintage en invitant petits et grands à (re)découvrir la culture des années 90. Et s’offre ainsi un coup de comm’ sans précédent ! Explications.

Pop-up store et visibilité

La marque Reebok n’est bien sûr pas la première à se lancer dans ce type d’opération. Depuis quelques temps, les boutiques éphémères fleurissent partout dans la capitale : début 2018, Kendrick Lamar, à l’occasion de sa tournée européenne, investit le concept store NOUS PARIS le 24 Février, veille de ses deux dates de concerts à Bercy. « The Damn Pop-Up » propose à l’achat des pièces textiles, tout en provoquant l’excitation des médias et du public, dixit une file d’attente étonnamment longue. Un mois plus tard, le groupe NTM envahit 48 heures durant L’Imprimerie, face au Centre George Pompidou, pour vendre son merchandising en parallèle de ses concerts.

Le magasin éphémère, Ornella nous en a déjà parlé il y a deux ans : c’est LA solution marketing en vogue, qui permet à l’annonceur de vendre ses produits tout en communiquant sur son image de manière différenciante. Facile à mettre en place et beaucoup moins contraignante qu’un magasin fixe, la pop up store définit un point de vente physique de courte durée et à budget limité, parfaitement adapté pour un créateur ou une enseigne indépendante et pure player mais qui désire rendre sa présence concrète auprès de sa clientèle.

Si la boutique éphémère convient aux émergents et aux e-sommerces, peu de grandes marques choisissent cette stratégie : Nike et Adidas, véritables monstres de marketing, sont présents dans tous les points de vente de sportswear/streetwear, multipliant les corners dédiés dans les grands magasins situés dans des zones d’affluence (Citadium Caumartin, Champs Élysées), infiltrant des évènements et des soirées d’envergure, comme Quai 54 ou Tango League. En se parachutant Bd Sébastopol, Reebok exprime donc sa différence, et de façon magistrale !

 

Une histoire de scénographie

On ne peut pas saisir l’ampleur de cette opération organisée par l’agence d’événementiel Dcontract, sans une petite visite guidée de cet espace, histoire d’en comprendre les enjeux et l’agencement.

Rez de chaussée : Dès qu’on entre, le ton est donné : des meubles en blanc ou bleu sur lesquels trônent des Rayban « old school », un appareil photo Polaroïd, une Gameboy et bien entendu une paire de Reebok DMX, tous estampillés d’une discrète étiquette fixant le prix. Tout est à vendre, on évite donc de tripoter les objets sous peine de se voir rappeler à l’ordre par un grand vigile souriant. Au fond de la boutique, un meuble sur lequel sont posés des walkmans. Un portant sert de « porte casque » en libre-service qui diffuse le début d’un tube des Destiny Child (j’aurais bien aimé un couplet de Mobb Deep). La dernière salle du rez-de-chaussée abrite une cafétéria avec 5/6 tables et un mini bar. L’endroit est calme,  simple, sympathique, fait pour se détendre, travailler un peu.

Sous-sol : Vers l’escalier, des cris m’attirent vers le sous-sol. L’expression « Fight Club » est judicieusement choisie, juste référence au film culte de David Fincher sorti à l’aube des années 2000. On se retrouve bien dans une cave très peu éclairée, malheureusement aucune trace d’Edward Norton ou de Brad Pitt punchant jusqu’au sang des cadres supérieurs. Juste une dizaine de personnes assises sur des canapés, les yeux rivés sur une télévision à écran cathodique, regardent Keusmo, un membre de l’équipe CaminoTV expert en jeu de combat, détruire un pauvre adolescent de 15 ans dans une partie de StreetFighter. À 5 victoires consécutives contre lui, le gagnant repart avec une paire de Reebok.  L’endroit a été aménagé avec 5 consoles, allant de la Super Nintendo jusqu’à la PS2. Le paradis pour les gamers des années 90, et un monde nouveau pour les plus jeunes n’utilisant que les consoles ultra-performantes. L’ambiance est appréciable, mais n’ayant pas la moindre chance de gagner, je remonte vers le premier étage du magasin.

1er étage : Beaucoup plus ouvert et espacé que le rez-de-chaussée, le premier (et dernier) niveau tient plus de l’espace de vente, épuré et doux. La pièce est gigantesque, très lumineuse, ce qui valorise les paires de chaussures disposées sur les murs, ainsi que les vêtements sur les portants. Reste une ultime zone de combat pour ceux qui aspirent à gagner des baskets, cette fois sur écran plasma, et face au boss de CaminoTv, visiblement très familier avec toutes les techniques secrètes du jeu StreetFigther. Il y a enfin le photo-call « Rétro » ouvert à tous les visiteurs dans un décor très travaillé, et toujours dans une ambiance 90’s : chacun peut ramener chez soi un beau portrait, joli souvenir du magasin, mais à une seule condition : le port de vêtements Reebok est obligatoire, une session d’essayage s’impose donc systématiquement. Un moyen indirect mais simple pour faire communiquer les clients et les curieux sur le Mega Store via Internet !

 

Vintage et repositionnement

Gifle temporelle, appel aux souvenirs, à l’enfance, marketing émotionnel à l’état pur ! Pourquoi ce choix d’ambiance, ces décors, cette gestion de l’espace ? Ambigu, l’univers du magasin penche entre l’ancienneté et la nouveauté, tant dans son aménagement que par les évènements qu’il accueille :  il s’agit de cristalliser des objectifs marketing clairs et d’imposer la marque. En fouillant un peu, on réalise l’aspect lacunaire des réseaux de magasins Reebok à Paris : il y a assez peu de point de vente, qui cohabitent souvent avec une autre activité (dixit salle de Crossfit du Louvre by Reebok).

Reebok, mal positionnée sur le marché des sneakers et du streetwear, porte une image peu attirante face à des concurrents ultra-productifs qui touchent des segments multiples : le luxe (Nike-Off White, Adidas-Alexander Wang), le running, le sportswear, le streetwear (Nike-Supreme, Adidas-Yeezy). La marque a donc pris le pari osé de tout miser sur une image « vintage », peu exploitée par le reste des marques : un choix assez intelligent puisqu’on constate actuellement un retour en force des années 90 sur le devant de la scène culturelle, comme le succès de la série Stranger Things en témoigne. Mais comment cibler les plus jeunes, moins familiers avec Reebok qu’avec ses concurrents ?

La marque ne pouvait pas éternellement viser un segment de nostalgiques des 90’s, il fallait rajeunir la clientèle. Comment devenir plus attractive auprès des millennials avec une image qu’ils ne connaissent pas ? Ces questions, le Mega Store a tenté d’y répondre d’une manière habile, en faisant découvrir cette esthétique de la fin du XXe siècle, si proche temporellement et pourtant si loin technologiquement. On s’imagine alors que ce pop-up store fait partie d’un plan de repositionnement marketing beaucoup plus profond, qui se fera sur le long terme … et mobilise des moyens de communication d’envergure.

Créer l’événement

Le calendrier de communication est serré. 21 Septembre : un post Instagram assez surprenant annonce le lancement du « Méga Store Reebok» (le dernier pop-up store organisé par la marque remonte à plusieurs années.). Un second post publié par le média CaminoTV le 5 Octobre, invite ses abonnés à un Fight Club. Le 6 Octobre, Reebok convie la célèbre chaîne Youtube Sneakers et Lifestyle ainsi que ses followers à une session de retro gaming au coeur du magasin. Il y a des paires de chaussures à gagner, des cadeaux en pagaille, mais seulement si l’on bat les membres de l’équipe Camino ! Quant à la presse, print ou web, elle relaie l’info, depuis Femmes Actuelles à Shoes Upen passant par Elle. Un concours est même lancé grâce à l’influenceur RebeuDeter qui cumule 200 000 abonnés sur Twitter et Instagram.

La marque ouvre le store avec 2 soirées ; une première VIP, la veille de l’ouverture officielle, et une autre le soir même de l’inauguration, un peu plus « tout public ». Des moyens considérables sont mobilisés pour optimiser la couverture de l’événement : retombées presse, post Facebook, stories Instagram, une flopée de tweets à propos du Mega-Store. Bref il faut faire du bruit … on va donc multiplier les « mini-évènements» dans l’enceinte du magasin : le Fight Club CaminoTv dont nous parlions plus haut, un cours de roller-dance, une exposition de l’artiste Sara Shakeel, la mise en place pendant quelque jours d’un corner « Friperie Reebok » par Tony la Fripe, un pop-up store dans un pop-up store, du jamais-vu !

Dans tout ça, on n’oubliera pas la culture hip hop, indissociable du phénomène sneakers. Reebok n’a pas loupé le coche : la radio OKLM, représentée par Medhi Maïzi s’installe une soirée entière au dernier étage du magasin pour son émission La Sauce, avec un Freestyle Couvre-Feu d’anthologie : la réunion autour d’une table de l’ancienne génération de rappeurs français, comme Lino, RimK ou Oxmo Puccino, et des artistes plus jeunes mais très populaires comme Dinos et Dosseh. Le très prometteur et talentueux Sopico, rappeur du nord de la Capitale, vient également se produire, aussi agile derrière un micro que sur une guitare. Pour clore en beauté, Booba, l’un des plus grands artistes de la scène rap française, vient jouer pendant un show-case privé.

À moitié lieu culturel, à moitié magasin, le Reebok Mégastore a su intelligemment créer un univers qui lui est propre. Une communication intense sur les réseaux sociaux, un nombre d’évènements impressionnant, une décoration léchée, une expérience client remarquable, on peut dire que Reebok n’a pas lésiné sur les moyens : toucher un public plus jeune et fidéliser toujours plus ses clients de longue date, ça se paye ! Cet investissement se ressent, et c’est très appréciable.

 

Pour en savoir plus :

https://www.facebook.com/reebokmegastore/

http://www.e-marketing.fr/Thematique/retail-1095/Breves/Reebok-ouvre-son-premier-pop-store-183629.htm

https://www.lesinrocks.com/2018/02/26/musique/ntm-ouvre-un-pop-store-dans-le-marais-111051710/?fbclid=IwAR0HIPQL0jgeQtE4Vk3e7FOwkxLxUKWb5COKuxjAZAPXROqHzx4UAVe6Spg