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École

Comment ça il y a encore des stéréotypes dans la pub ?

Les Bachelors 3ème année en spécialisation Création Publicitaire de l’ESP Lyon décortiquent activement les stéréotypes de genre dans les publicités avec tous les clichés que nos aînés n’ont pas manqué de glisser insidieusement derrière chaque image. Benjamin Amis nous livre une belle analyse sur le sujet.

 

Quand publicité rime avec clichés

« Monsieur, vous qui aimez la bonne cuisine, offrez-lui une super cocotte » signait Seb en 1953. La marque 100 % Made in France a longtemps joué sur des slogans 100 % sexistes et elle n’est pas la seule. Vanish, Swiffer, Dior, Renault, Lucky Strike ou encore Ouiz (mais si, souvenez-vous… Vous voulez voir ma chatte ?) nous ont emmené durant plus d’un siècle de publicité, notamment grâce Edward Bernays, l’un des pères fondateurs de la publicité et du sexisme ordinaire, à nager dans un univers où la femme n’a sa place qu’à la cuisine ou en tant qu’objet de convoitise ! Naturellement cette femme était dépourvue de jugeote et bien contente d’avoir un homme à ses cotés pour pouvoir s’afficher en société. Oui, c’est dur, c’est moche même…! Et c’est à cause de l’utilisation massive des stéréotypes dans la publicité (et aussi de quelques Octave Parango et Don Draper) que les agences sont souvent vues comme les maîtres de la manipulation par le genre et les femmes comme des objets de consommation.

Selon l’étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) parue le 31 octobre 2017 concernant l’image de la femme dans la publicité télévisée sur plus de 2.000 spots, les chiffres révélaient « la persistance des stéréotypes de genre ». Les hommes sont davantage mis en scène que les femmes (54 % contre 46 %), pire encore, « ce déséquilibre s’accentue fortement en ce qui concerne les rôles d’experts, occupés à 82% par des hommes ». Il est temps de changer les choses.

 

Le mouvement #MeToo pointe du doigt le sexisme, y compris dans la pub

Si cela fait quelques années que l’utilisation de stéréotypes dans la publicité est montrée du doigt, c’est avec le mouvement #MeToo que tout s’est accéléré ! Au cinéma, dans la mode, dans les relations hiérarchiques ou dans la publicité, tout le monde en a pris pour son grade. Simple leçon de vie ou grosse claque éducative ? Les deux ! Car avec ce mouvement, s’en est suivie une phase de mea-culpa, où chacun est tenu de reconnaître ses erreurs plutôt que de chercher à les effacer. Pour les marques, il ne s’agit pas de se lancer fébrilement sur de nouveaux positionnements, mais bien d’admettre que les attentes de la société ont changé et qu’au-delà de communiquer différemment, il faut communiquer mieux. Bien que ce mouvement entraîne une diversification des cibles due à l’acceptation nécessaire de la diversité du genre, on est encore loin de réussir à se passer de notre cœur de cible. Ce dernier reste inévitable et il convient de l’utiliser à bon escient.

Pierre Joliot-Curie disait « Le progrès naît de la diversité des cultures et de l’affirmation des personnalités. » (La recherche passionnément, 2001), un point de vue qui lui a permis de s’ouvrir à de nouvelles avancées et de devenir un scientifique reconnu dans son domaine. Pas besoin de porter un prix Nobel pour changer de discours, juste de s’ouvrir au monde tel qu’il est réellement : avec autant de types de féminités qu’il existe de femmes, autant de masculinités qu’il existe d’hommes et la mixité commune de ces entités qui ne sont finalement que des concepts à décomplexer. Il est donc donné aux futurs communicants la mission de s’approprier les grandes théories de leurs ainés tout en les adaptant aux enjeux de demain. Loin des codes, près du cœur : devenons les artisans de la diversité.

 

Vers une évolution des mentalités dans l’univers de la publicité

À l’heure où le débat fait rage, on s’aperçoit que l’idée n’est pas si novatrice, et que quelques marques intègrent déjà une prise de parole en faveur de l’égalité homme-femme et contre les stéréotypes. Libresse, marque de serviettes hygiéniques fût la première à montrer du vrai sang de règles plutôt qu’un liquide bleu, les maillots de bain Target sont portés par des femmes de toutes les silhouettes, non retouchées, les rasoirs Billie rasent de vrais poils féminins et pour la marque, si vous gardez vos poils, c’est très bien aussi ! De nombreuses marques se sont également exprimées et ont affirmé leur engagement pour l’égalité homme-femme, c’est le cas d’Indesit qui dénonce le sexisme ordinaire et le manque de répartition des tâches ménagères au sein des familles. D’autres marques comme Ariel, Whirpool, Ikea, Always, Amazon ou encore Audi ont manifesté leur envie de faire évoluer les mentalités. On peut se demander s’il s’agit pour ces marques de véritables valeurs ou seulement de nouveaux leviers opportunistes. Mais il n’en est pas moins que cette prise de parole peut faire changer les mentalités pour amener d’autres annonceurs à suivre cette voie et à l’appliquer jusque dans leur système de management.

 

Un programme nommé FAIRe propulsé par l’Union des Annonceurs veut également amener les entreprises à intégrer dans leur communication les (pas si nouveaux) enjeux d’égalité homme-femme. 28 entreprises issues de tous les secteurs ont déjà signé la charte : Bel, BNP Paribas, CITEO, Citroën, Coca-Cola, Danone, DS, EDF, Ferrero, Galeries Lafayette, Lesieur, L’Oréal, Mars, Michelin, Nespresso, Nestlé, Opel, Orange, Orangina, Pernod Ricard, Peugeot, PMU, Procter & Gamble, Renault, SNCF, Société Générale, Unilever, Yves Rocher.

 

À nous de devenir les bâtisseurs d’un monde plus juste et plus égalitaire où la fantaisie n’est plus seulement basée sur des stéréotypes, mais paradoxalement sur de vraies histoires où la diversité est pleinement actrice de la communication. À nous de guider les marques vers une communication loin de l’image fantasmatique et genrée des consommateurs. Aux entreprises de joindre l’acte à la parole et de s’affirmer comme acteurs d’un monde en évolution.