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Phygitalisation : éléments de réflexion pour une stratégie customer centric

Chaque jeudi, nous relayons un article de COMinside, le webzine de l’ESP, terrain d’entraînement rédactionnel des ESPiens. Cette semaine nous vous partageons un dossier co-écrit par plusieurs de nos étudiants en Bachelor 3ème année sur la digitalisation des points de vente.

Le phygital : contraction des termes « physique » et « digital », cette tendance veut révolutionner l’expérience client en point de vente … avec succès. Digitaliser un point de vente, faire vivre une expérience 2.0 unique aux visiteurs pour les charmer, les fidéliser … le phygital détermine une nouvelle ère de consommation. Sephora, Apple, Volswagen … désormais, les petites marques comme les plus grandes n’ont plus que ce seul mot à la bouche, cette seule stratégie en tête. Mais en quoi cela consiste-t-il vraiment ? A quoi sert cette nouvelle mode ? Quelles sont ses forces, ses limites ? Étudiants en stratégie digitale, nous avons voulu questionner cette mouvance. A travers les différents points de vue qui vont suivre, nous allons aborder pêle-mêle les enjeux liés à cette innovation, souligner ses avantages, ses inconvénients et définir quelques pistes à prendre en compte pour optimiser la mutation phygitale. Bref apporter des éléments de réponse … et quelques conseils et avertissements ?

Salomé PEREIRA

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Le phygital est un investissement ! – Julie ASLANIAN

Les moyens déployés en phygital sont nombreux, innovants … et coûteux ! Ainsi les bornes interactives conçues en 2015 pour la marque de lingerie Undiz. Grâce à cette borne interactive baptisée la «Undiz Machine », le client commande son produit via un catalogue en ligne sans avoir besoin de vendeur. Le modèle lui parvient via les nombreux tuyaux transparents qui traversent le magasin, s’il lui convient, il passe en caisse, sinon il le renvoie en stock. Une expérience incroyable … qui a un prix : 2 500 euros la borne digitale, sans compter les tuyaux. Ajoutons les frais d’installation à hauteur de 1 000 euros, le logiciel de la borne, environ 300 euros, l’assistance en cas de panne, à peu près 3000 euros pour 36 mois.

Bref arrondissons à 7000 euros … sachant que chaque point de vente propose plusieurs dispositifs (il y en a quatre dans le magasin de Toulouse), vous imaginez la facture finale. En fait non ! Ainsi l’écran interactif du magasin Sephora, d’une valeur moyenne de 1 000 euros, est allumé 24h/24h, 7j/7j tout au long de l’année ! On imagine le budget électricité à débourser pour assurer ce fonctionnement continu, sachant que pour un commerçant, le prix moyen d’une facture d’électricité s’élève à 6 000 euros HT par an. Imaginez la somme finale quand il faut éclairer une dizaine d’écrans en continu.

Nous pourrions citer de nombreux autres exemples, qui évoluent dans les mêmes fourchettes de prix. Indubitablement le phygital a un coût qui peut varier du simple au double et qui englobe frais d’installation, d’assurance, d’énergie et de maintenance ! Il est donc réservé en priorité aux grandes marques type Dior ou Clarins, bien implantées sur leur marché respectif et dont le chiffre d’affaire est suffisamment conséquent pour financer ces installations.

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Phygitalisation : quid de la collecte de données ? – Jeanne BACCAÏNI

La phygitalisation a permis aux entreprises d’acquérir de nombreuses données, indispensables pour mieux comprendre les comportements des consommateurs en magasin et pousser toujours plus la personnalisation des outils ; mais elle peut aussi leur être nocive. En effet, via cette technique, les commerçants peuvent connaître leurs clients de plus en plus précisément afin de leur communiquer des messages personnalisés. Pour le consommateur, le bénéfice serait alors de ne recevoir que des offres pertinentes, répondant précisément à ses besoins et envies. Mais qu’en est-il de la récole et du contrôle des données rassemblées pour favoriser cette personnalisation ? Les polémiques sont nombreuses à ce sujet, notamment avec les collectes non sécurisées des données personnelles sur le réseau social Facebook et le navigateur Google.

En 2015, le documentaire de Cash Investigation intitulé Marketing : les stratégies secrètes mentionnait déjà que nombre d’entreprises contournaient certaines lois de récolte de données. Aujourd’hui, pour respecter les données des utilisateurs, encadrer la récolte, le traitement et la gestion des informations personnelles numériques, le Règlement général pour la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018 dans l’Union Européenne, prévoit de lourdes peines (amende égale jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise) pour les entreprises opérant sur le territoire de l’Union Européenne et qui ne respectent pas ce règlement. Cela vaut même si l’entreprise qui en a la possession est basée hors de l’Union Européenne.

Bref pour développer une stratégie phygitale digne de ce nom, l’entreprise devra impérativement intégrer dans sa logique cette délicate question des données : comment alors obtenir le consentement d’un visiteur qui ne sera peut-être pas un client sans casser la fluidité du processus phygital ? C’est toute la question et il faut la poser.

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Phygital : entre entertainement et jeu – Giulia BATTISTINI

Amuser le client durant l’acte même d’achat, le divertir dans sa démarche de consommateur : c’est l’un des objectifs du phygital qui remanie le retail entre entertainment et jeu. Burberry a largement innové sur ce terrain-là : son flagship de Regent Street nous plonge dans son univers de marque, avec pas moins de 500 haut-parleurs et 100 écrans qui diffusent partout dans le magasin les défilés et les concerts sponsorisés par la marque. Des puces sont également incorporées dans certains produits pour présenter des articles similaires aux clients grâce à des écrans miroir !

Autre exemple de phygital entertainement : en 2014, bien décidé à conquérir le marché de la beauté connectée, L’Oréal lance son application « Makeup Genius », un stimulateur de maquillage digne de celui utilisé par l’héroïne Leeloo dans Le Cinquième élémentde Luc Besson … et brandé Chanel s’il vous plaît ! Un premier pas vers les écrans-miroir ? Conçu autant comme une attraction que comme un jeu, le dispositif phygital permet transforme l’espace de vente en scène de spectacle, avec en son centre un client aussi surpris qu’amusé, finalement impliqué, fasciné, conquis. Un ambassadeur de la marque particulièrement efficace et pour cause. Via le phygital, nous nous identifions à un idéal, un monde futur épuré, simple parce que complètement digitalisé.

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Phygital, un levier pour l’instagramabilité – Mélodie BETTANT

Aujourd’hui la valeur ajoutée d’une marque n’est plus seulement sa présence online ou ses boutiques physiques. Elle doit impérativement créer du lien avec le consommateur, donner à chacun le sentiment d’appartenance à une communauté ET un mode de vie. Véritable expérimentation en live, animation originale et captivante, ultra-personnalisation : le phygital offre un champs d’action inestimable, suscitant curiosité et attention. Mais le plus important n’est finalement pas là, en boutique. L’objectif est de se situer là où les consommateurs passent le plus de temps : les réseaux sociaux ! L’instragamabilité est au cœur du business et le phygital y participe grandement ! Citons le succès vertigineux des «espaces expérientiels» américains du type Museum of Ice Cream, Dream Machine, Color Factory ou encore 29 Rooms : l’esthétique est la clé du succès. Ces espaces thématiques sont richement décorés, multipliant les installations colorées, funky, girly, glamour.

Objectif : encourager le visiteur à réaliser des photos et des selfies flatteurs à partager sur Instagram ! L’équation est identique lorsque les marques mettent en place un dispositif phygital en boutique. On pense en premier lieu à l’esthétique et l’instragamabilité de l’installation. Entre réalité augmentée et PhotoBooth, tout finit par être photographié et relayé sur les réseaux sociaux, hashtag à l’appui pour tisser une réelle interaction avec la marque. En résumé, l’image et la promotion de l’installation se font sur les réseaux sociaux grâce à vous. Vous, instragrameurs, devenez les ambassadeurs de la marque. Vous partagez ce lifestyle, la cool-attitude de la marque, et surtout ses valeurs à votre cercle de followers. Levier marketing puissant, le phygital alimente cet engrenage prospère, constituant ainsi un instrument ultra bénéfique pour les marques en termes de notoriété et d’image !

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Les impératifs de la maintenance – Quentin BOURGUIGNON

Si le phygital est de plus en plus employé par les différentes enseignes de tout bord, attention cependant au retour de bâton ! Mal pensés, parfois en panne, n’ayant aucun support technique en backup, ces nouveaux moyens digitaux peuvent rapidement se retourner contre les marques en dégradant l’expérience client. Comment les enseignes peuvent-elles contourner ce problème ?

Tout d’abord en se rapprochant des constructeurs d’outils digitaux. Ayons conscience que les personnels des points de vente phygitalisés ne sont pas forcément aptes à intervenir sur des soucis techniques liés aux machines, loin s’en faut. Prenons l’exemple des caisses automatiques dans les hypermarchés. Si les caissiers peuvent répondre aux problèmes de base des clients (payement, scanner les articles …), ceux-ci ne sont pas formés pour dépanner ces engins. D’où l’importance d’avoir des relais dans les entreprises ayant construit le produit afin de permettre un dépannage rapide et efficace, limitant ainsi la détérioration de l’expérience client et la perte potentielle, pour les enseignes, de chiffre d’affaires mais également d’une baisse de confiance.

Si l’arrivée du phygital dans les points de vente détruit certes des emplois, cette affirmation à nuancer car cette révolution enclenche la création de nouveaux métiers en boutique. Soulignons l’importance pour les enseignes de se doter aujourd’hui de techniciens. Ces derniers peuvent avoir plusieurs fonctions. Tout d’abord former le personnel des enseignes à devenir le premier niveau de support de l’outil, comme nous l’évoquions tout à l’heure, mais également intervenir en backup de ces derniers sur des problèmes plus spécifiques (bug informatique, pièces à changer …). Des grands magasins comme Les Galeries Lafayette ou Le Printemps ont dû se doter de supports techniques à plus ou moins grande échelle afin d’assurer le support de l’ensemble des outils digitaux présents dans les points de vente, et d’intervenir rapidement et efficacement pour ne pas polluer l’expérience client en magasin.

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L’application demeure la base – Léa DESMOTTES

La pluralité des innovations digitales, mise en avant via le digital, permet une réelle mutation de l’expérience client. Cependant, cette transformation peut induire un sentiment de perdition de la part des consommateurs ; noyés dans cette multiplicité de moyens, ils n’en saisissent pas forcément l’utilité, assistant éventuellement au « crash » de supports digitaux qui ne sont pas toujours prêts à l’emploi. Prises dans le mouvement, les entreprises ont tendance à brûler les étapes pour s’inscrire sur le chemin de l’innovation … et font n’importe quoi, multipliant les outils et les applications phygitales futiles, voire incompréhensibles. Dommage : le moyen le plus ancré dans les mentalités des clients, le plus intuitif pour eux, la base même, reste l’application, à laquelle les marques peuvent rattacher d’autres fonctionnalités digitales.

Historique d’achats, points de fidélité, click and collect … ce précieux outil d’identification et de mémorisation permet de créer une réelle proximité entre l’annonceur et le consommateur. Mais comment créer de la valeur ajoutée à une application existante pour offrir une expérience phygitale personnalisée et innovante ? L’exemple de Walmart est très éclairant à ce sujet : spécialisée dans la grande distribution, la multinationale américaine trace désormais sa route via la phygitalisation de ses points de vente. Pour ce faire, elle a créé son application mobile dotée de réalité augmentée. Via la caméra de son smartphone, l’usager va identifier le produit dans l’ensemble des références, découvrir ses caractéristiques, les produits similaires ; il va surtout pouvoir comparer son prix avec celui des enseignes concurrentes. Ainsi les clients de Walmart traquent la moindre petite économie et développent une relation de confiance envers cette compagnie qui écoute leur besoin premier : payer moins cher.

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Encaissement smartphone, essentiel pour une phygitalisation réussie – Joana DIAS

Le digital a dans un premier temps servi aux marques pour personnaliser les offres afin de toucher les consommateurs avec pertinence. Désormais il faut y ajouter le réflexe du « tout, tout de suite » avec des consommateurs avides d’immédiateté. Le web a du reste encouragé cette tendance avec par exemple les livraisons dans la journée d’Amazon ou encore Netflix qui nous propose de visionner les séries depuis n’importe quel support, n’importe où, n’importe quand. Du coup, le phygital a dû intégrer cette rapidité d’exécution dans l’expérience client que les consommateurs peuvent avoir sur les sites e-commerce.

Dans un premier temps, il a fallu privilégier la liaison des e-commerce avec les points de vente avec notamment la possibilité de réserver des articles afin de les essayer en magasin avant l’achat, une opportunité pour le consommateur de prendre le temps de sa décision et une astuce pour lever les freins liés à l’achat numérisé d’un vêtement, notamment en pouvant ainsi testé la qualité de la matière. Néanmoins, l’outil indispensable à la phygitalisation demeure l’encaissement sur smartphone afin de réduire le temps d’attente et privilégier l’expérience du « one to one » avec le personnel. Cette pratique permet de désengorger les caisses, facilite le travail quotidien des caissiers puisqu’aux moments de forte affluence, ils peuvent décider d’enregistrer l’achat après avoir conseillé les clients. On propose ainsi un accompagnement personnalisé du conseil de produit à l’acte d’achat. La phygitalisation devient ainsi un bon moyen pour concurrencer le web et faire revenir les millénnials en point de vente.

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Phygital : gare aux pannes ! – Emma GARNIER

Une superbe installation digitale interactive, qui offre une expérience client unique et inoubliable ? C’est génial … mais faut-il encore que ça marche ! Les dispositifs digitaux sont complexes et sophistiqués, mais ce sont aussi et par conséquent des outils fragiles qui nécessitent une maintenance réactive. L’expérience client peut être maximisée lorsque le dispositif fonctionne, mais à l’inverse lorsque celui-ci ne fonctionne pas, l’expérience est durement impactée. N’allez pas dire le contraire ! N’êtes vous pas profondément agacé lorsque, après l’avoir cherchée de longue minutes dans les allées, la table tactile servant à se repérer dans un centre commercial où vous vous êtes perdu, refuse délibérément de quitter la page « Desigual» ? Quand le distributeur d’échantillons automatique de Sephora s’obstine à ne rien vous donner ? Eh oui ! Les dispositifs digitaux, c’est bien … mais c’est mieux quand ça fonctionne.

Le coup de la panne ? Cela ne devrait pas arriver car l’expérience client en est lourdement altérée. Les entreprises doivent impérativement intégrer ce principe : proposer des dispositifs qui ne fonctionnent pas dégrade l’image de la marque et la décrédibilise. Le moment positif recherché se transforme en agacement chez des clients de plus en plus impatients, exigeants et connectés. Toute la viralisation possible des dispositifs originaux tombe aux oubliettes et le ROI escompté est moindre. Dans le pire des cas, les internautes manifestent leur mécontentement et l’incident local s’étend largement sur le web. Choisir de telles installations nécessite donc forcément une maintenance réactive et efficace afin d’éviter des pannes répétitives et durables qui impactent lourdement l’expérience client.

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One-to-many , one-to-one, one-to-when? – Angy-Marie GROSS

Il vous est déjà arrivé de recevoir, par courrier ou e-mail, des promotions sur des produits que vous n’achèterez jamais ? Usant, non ? Eh oui, lecteur, les promotions sont d’autant plus appréciées qu’elles correspondent à nos intérêts. Or grâce au phygital, vive les offres personnalisées ! Les marques savent désormais façonner leurs envois afin que les promotions collent à notre historique d’achat ou de navigation sur leur site web, nos wishlists sur leur application mobile, mais aussi les zones dans lesquelles nous avons flâné en point de vente, notamment via le Wifi intelligent. Mobile to store, qui propose des offres commerciales via une application, un sms ou par notification push, vendeurs connectés qui, en exploitant les données, seront en mesure de fournir une offre personnalisée au potentiel client, coupons de réduction sur des produits que nous avions déjà achetés ou que nous avions prévu d’acheter, les occasions ne manquent guère pour attirer le client en magasin, l’amener à commander en ligne.

Avec la fréquentation régulière et la mise à disposition discrète des informations personnelles démarre la segmentation des offres et la reconnaissance d’un individu dans l’univers « des » clients. Préférences, profils, consommation … l’ensemble détermine une stratégie « push » proposant des produits dont nous n’avons pas nécessairement besoin. Un revers de l’intrusion dans notre quotidien, car le digital (et donc la navigation web) conserve une trace de toutes nos visites. Aucun secteur n’est épargné d’autant que les enseignes s’efforcent de mieux connaître leurs consommateurs : études profils, sondages, cartes de fidélité, preuves d’achat, couponing … nous passons actuellement d’un univers de masse « many » à une démarche plus personnalisée et unique « one ». Le client identifié, reconnu et choyé grâce à ses « datas », on peut affiner et cibler les offres, savoir où il se connecte, avec quoi et mais surtout, quand. L’enjeu principal est entendu : déterminer quand le client est disponible pour lui soumettre la bonne promotion, au bon moment.

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Phygital, un atout pour les enseignes du luxe – Maïlys KUHN

Exclusivité, personnalisation, service humain, savoir-faire : le luxe est depuis toujours lié à ces notions fortes qui font son ADN. Ces fondamentaux sont aujourd’hui bousculés par l’ère du numérique. Les marques de luxe vivent ainsi un profond dilemme : comment intégrer le digital de manière pertinente dans leur marketing en général et de leurs points de vente en particulier ? Le phygital offre l’opportunité de redynamiser leur image, de profiter de ce nouvel élan de modernité pour surprendre et leur clientèle initiale, en séduire une nouvelle. Attention néanmoins : mal utilisé, le phygital peut mettre en péril l’ADN même du luxe. Tablettes tactiles, casques de réalité virtuelle, applications en réalité augmentée, ces outils très ludiques peuvent vite nuire à la dimension de service humain inscrite dans la notion de luxe.

Plusieurs marques du secteur se sont essayées au phygital ces dernières années, avec succès. Guerlain a ainsi mis à disposition un orgue à parfums digital dans sa boutique rue Saint-Honoré, Chanel offre une visite virtuelle de l’appartement de Gabrielle Chanel à ses clients, Gucci installe des vitrines interactives dans ses flagships. Ces opérations ont été bien accueillies par le public, preuve que, lorsqu’il est pensé et travaillé en conséquence, lorsqu’il s’intègre de manière naturelle et discrète, le phygital peut servir le luxe sans dénaturer son prestige. L’enjeu est donc de savoir utiliser ce nouvel outil pour en faire un allié, effacer son côté geek et technologique, l’intégrer dans une expérience qu’il rendra unique et magique.

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Former les personnels ? Un incontournable – Laura LAMON

Outre l’interaction marque/clients, la phygitalisation apporte une nouvelle dimension dans la théâtralisation des lieux de vente. Il a notamment pour finalité de dynamiser l’expérience utilisateur … tout en soutenant l’action du personnel. N’oublions pas que s’il est là pour améliorer le parcours du client, le phygital est aussi un outil qui aide, qui appuie vendeurs et conseillers dans leur stratégie de vente. Cependant, dans la pratique, ces nouveaux dispositifs se sont avérés être plus un handicap qu’une réelle aide pour le personnel des boutiques phygitalisées. Les vendeurs seraient même sujets à de véritables frustrations, car le plus souvent ils ne sont pas préparés à la prise en main de ces dispositifs. Le problème est donc là.

A vouloir surfer trop et trop vite sur cette tendance du phygital, les marques investissent dans des dispositifs spectaculaires censés révolutionner l’expérience client, … sans intégrer dans leur stratégie une véritable formation du personnel. C’est oublier un point essentiel : le phygital représente un nouveau domaine d’expertise pour ces employés. Les kits explicatifs qui leur sont fournis à la livraison d’un nouveau dispositif sont insuffisants, inadaptés à l’utilisation réelle qu’ils en font. Aucune solution, aucun moyen d’intervention ne leur sont enseignés afin d’être opérationnel en cas de panne du dispositif phygital. Les entreprises séduites par la phygitalisation doivent intégrer dans leur mutation la formation de leurs équipes pour parer à tout dysfonctionnement le plus vite possible.

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Phygital : attention à ne pas détourner les clients du produit – Bélinda SAADA

Soyons clairs : l’attention portée aux outils digitaux peut détourner les clients du produit qu’ils souhaitent acheter. Or, focalisés sur les dispositifs digitaux installés sur le lieu de vente, ils ne vont plus tellement se pencher sur le produit en lui-même, sa composition, sa solidité, d’éventuelles malfaçons. Exemple ? La Undiz Machine,  une borne tactile qui donne accès aux produits stockés dans la réserve du magasin et à l’intégralité du catalogue Web. Les modèles sont livrés quasi instantanément aux clients grâce à des capsules aéro-propulsées, ils sont munis d’étiquettes RFID pour être reconnus lors du passage en caisse. Cette invention, aussi impressionnante et attractive qu’elle soit, peut très rapidement détourner l’attention du client de son produit et pousser à l’achat compulsif.

Pire, dépassés par ces dispositifs souvent ludiques, les clients peuvent carrément préférer ne plus acheter en se disant que c’est beaucoup trop compliqué et sophistiqué. Ainsi, Sephora avec tous ses outils digitaux, nous perd entre le « Beauty hub », le « Look Book », le « Virtual Artist », le « Color Profile », le « Beauty Board » et pour finir le « Sephora Plus ». Maquillage virtuel, catalogue dématérialisé, console de commande, application déterminant les couleurs parfaites pour chaque profil, avec autant de services mis à disposition, les clients peuvent se sentir distancés, voire submergés. Les personnes qui sont mal à l’aise avec le digital (oui ça existe) peuvent se sentir très vite agressées par tant de sollicitations … et quitter le magasin sans avoir finalisé l’achat ! Bref trop de phygital peut tuer le phygital !

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Le phygital, ça coûte cher … mais ça en vaut la peine ! – Julie STAROVITE ROUXEL

Aujourd’hui, les clients veulent se sentir au cœur de l’expérience qu’ils vivent en magasin ? La personnalisation et le « sur-mesure » sont donc les clés du succès  … et cela passe par le phygital ! J’entends déjà dire au loin « oui, mais le phygital ça coûte cher… ». Pensons à plus long terme. Et si le phygital arrivait à augmenter le nombre de ventes et donc les revenus ?

Rappelons-le : l’atout principal du phygital est de donner la possibilité aux clients de tester les produits en direct live, ce qui les implique encore plus : ils imaginent déjà que le produit est à eux, en leur possession. Prenons un cas concret traité dans un article deWithApps : un magasin de sport a fait appel à l’expertise du centre Swing Catalyst Flightscope afin d’installer un écran tactile et un écran interactif dans ses locaux. Durant cette expérience en magasin, le client avait l’occasion de tester son swing avec divers clubs de golf. Résultat : le magasin a vu son chiffre d’affaire sur ce secteur bondir de 50% !

Autre exemple ? Made.com, preuve vivante qu’aujourd’hui, l’expérience digitale n’est rien sans l’expérience physique … et inversement ! A l’origine, l’enseigne, spécialisée dans le mobilier design, était seulement présente en ligne. Mais elle a rapidement saisi que les clients avaient besoin de tester les modèles avant de passer à l’acte d’achat. Sont alors nés les « showrooms connectés » où la marque propose aux consommateurs un parcours intuitif qui mêle produits réels et virtuels. Plus concrètement : les visiteurs se projettent directement dans un espace meublé de créations signées Made.com. Ils n’ont alors plus qu’à prendre commande grâce aux ordinateurs et tablettes disponibles dans le magasin ou depuis chez eux !

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Le mot de la fin … le principe de base ?

Yves Citton a popularisé la notion d’économie de l’attention dans son livre éponyme. Et ceci s’applique tout particulièrement à la phygitalisation. Même si digitaliser ses points de vente est un bon moyen pour moderniser son image, il ne faut pas considérer le phygital comme une fin en soi. En ayant recours à ces pratiques, la marque risque de perdre l’attention du client, le noyer d’informations, provoquer même une gêne. C’est ce qui ressort très nettement de nos approches, de notre perception.

En effet, la phygitalisation à outrance, dépourvue de réflexion stratégique ou analytique peut constituer un risque en termes d’expérience et de parcours client. Il faut garder à l’esprit que la satisfaction des consommateurs et leur expérience globale sont essentielles afin de les faire revenir en boutique. Pour conserver la dimension de plaisir du client, il est fondamental de créer de nouveaux outils digitaux simplifiant son parcours en le ré-enchantant selon ses besoins. Les magasins phygitalisés sont-ils vraiment ceux du futur ? Très certainement … mais si l’on respecte cet impératif : pensons customer-centric1.

Caroline ARCE ROSS

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1–Le phygital, en route vers les magasins du futur ?, Kali Customer, octobre 2017