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YUKA : success story et questionnements

Chaque jeudi, nous relayons un article de COMinside, le webzine de l’ESP, terrain d’entraînement rédactionnel des ESPiens. Cette semaine nous vous partageons celui écrit par Alice Lemaire, étudiante en Bachelor 3ème année en Cycle Intensif. Elle nous parle de cette appli dont plus personne ne se passe pour aller faire des courses, Yuka.

Engrais chimiques dans nos fruits et légumes, altération des chairs animales en raison d’une nutrition mal adaptée pour ne pas dire nocive, surproduction agricole pour répondre à la demande, l’industrie alimentaire constitue un réel danger pour notre santé et notre métabolisme qui se détériore petit à petit. La prise de conscience est actée, partagée, diffusée : il faut lutter contre la mauvaise alimentation, source de maladies cancéreuses, cardiovasculaires, d’obésité … mais comment faire quand la composition des aliments est incompréhensible ? Quand l’étiquetage constitue à lui seul un enjeu de décryptage ? C’est ici qu’intervient Yuka.

Yuka, une appli révolutionnaire ?

Cette application mobile française initiée en 2016 passe au crible des informations concernant la composition des produits alimentaires ; pour ce faire, elle exploite les bases de données françaises ouvertes à tous telles que Open Food Facts. Cetteassociation à but non lucratif a justement créé une banque d’informations libre et ouverte à tous, concernant les produits alimentaires commercialisés dans le monde entier. Il suffit de scanner les codes-barres des produits alimentaires pour découvrir leurcomposition et statuer sur leur apport nutritionnel, leur qualité.

Et pour faciliter la chose, des pastilles de couleur vert, orange et rouge signalent si le produit est viable ou carrément mauvais (elles évoquent l’étiquetage Nutriscore, longtemps redouté des industriels de la filière). Ajoutons une note basée sur 100 selon des critères tels que la composition nutritionnelle du produit, la présence ou non d’additifs dangereux, et le mode de production … et des qualifications sans équivoque comme « Mauvais », « Médiocre », « Bon », « Excellent ».

Sont détaillés la composition du produit en valeurs nutritionnelles, les calories, les graisses saturées, le sucre, le sel, les protéines, les fibres, les additifs, en fonction bien sûr de la catégorie du produit. Lorsque ce dernier est qualifié de mauvais ou médiocre, l’application propose jusqu’à 10 alternatives en fonction du nombre de produits référencés dans cette catégorie de produits, maisavec une valeur nutritionnelle supérieure. Simple d’utilisation, Yuka est accessible à tout le monde sans encombrer le stockage des smartphones puisqu’elle ne représente que 55 Mo.

Autre avantage, chaque utilisateur peut rajouter dans la base de données des produits non référencés ce qui permet à l’application d’évoluer considérablement de jour en jour et de gagner en efficacité. Plus de 500 000 produits y sont référencés, ce qui représente une base significative et permet aux utilisateurs de confirmer leur avis sur des produits ou au contraire de découvrir qu’un produit qui leur semblait sain est plutôt déconseillé et qu’un autre présente une meilleure qualité qu’il ne l’aurait pensé.

Aux sources du concept

5 millions d’utilisateurs et des poussières plus tard, Yuka a su s’imposer et n’en finit pas de séduire de nouveaux usagers. Un succès donc pour cette application élaborée à partir de la lecture de l’ouvrage Le bon choix au super marché par les deux frères Martin et Julie Chapon, trois purs produits de grandes écoles, commerce et ingénierie qui avaient monté d’autres projets en solo avant de réunir leurs forces pour accoucher de ce nouveau concept.

Objectif donc : aider les consommateurs à devenir consomm’acteurs en différenciant nourriture saine et alimentation potentiellement nocive. La participation au concours Food Hackathon en 2016 à la Gaîté Lyrique a mis le projet en orbite, la carotte connectée accrochée à un réfrigérateur des débuts étant ainsi promise à la digitalisation. Ont suivi le parcours entrepreneur deTicket for change en juin 2016, la fabrique AVIVA, la bourse frenchtech BPI …

Leur start-up était née qu’il a fallu promouvoir via notamment la page Yuka sur Welcome to the jungle, site ouvert à tous qui met en avant de nouvelle start-up, des postes à pourvoir, toutes sortes d’articles de conseils dans le monde du travail. Leur profil dédié y présente leur concept, leurs parcours professionnels, leurs valeurs, leurs témoignages. Est ensuite venu le site officiel doublé d’un blog contenant des articles de conseils sur l’alimentation, sur des recettes végan et également un programme de nutrition payant.

Yuka a bien vite attiré l’attention des média. On en a parlé sur différents organes de presse comme StratégiesLe MondeLibérationou bien dans l’onglet « Actualités » du site de l’EDHEC Business School. L’ émission Tout compte fait  lui a consacré un reportage ainsi que BFMTV. Les youtubeurs aussi ont fait la focale sur l’application, par exemple Changer le monde en deux heures.

Une appli au top mais à améliorer  ?

Pareil succès entraîne forcément un questionnement. l’appli est-elle vraiment complète et efficace ? Certaines informations manquent, rien n’indique la composition exacte du produit ni ses ingrédients de façon détaillée. Les critères d’évaluation sont standards quelle que soit la nature des produits, de ce fait trop restrictifs. Ils ne sont pas personnalisés ou adaptés par familled’aliments, du coup les mêmes facteurs permettent de noter une huile d’olive et une boisson gazeuse. L’application n’identifie par ailleurs pas les différents minéraux des boissons. Bref le contexte n’est pas pris en compte, ce qui constitue un axe d’amélioration à travailler.

Et un souci nutritionnel : l’appli condamne automatiquement le beurre, le chocolat ou le miel qui sont pourtant essentiels pour le développement si consommés en quantité raisonnable. Rien non plus sur la traçabilité des aliments, leur provenance ; or c’est important surtout quand on sait que certains produits font l’objet de malfaçons, comme le miel, déjà cité, qui peut s’avérer au final du glucose quand il est fabriqué industriellement. Il serait donc intéressant de connaître la provenance géographique de certains aliments.

Autre problème, l’application exploite l’open data ; Open Food Facts fonctionne comme un Wikipedia alimentaire, dont les fiches sont complétées par les usagers … y compris les marques qui y placent les informations qu’elles désirent diffuser. S’il refuse tout financement, Open Food Facts est néanmoins régulièrement démarché par de grandes enseignes qui apportent des informations afin d’affiner le discours. Du coup la base de données sur laquelle s’appuie Yuka pour noter les aliments est en constante évolution et sa fiabilité peut éventuellement poser question sur certains points.

Yuka s’est diversifié récemment dans les produits cosmétiques et la parapharmacie grâce à Open Beauty Facts, association à but non lucratif qui a composé une banque d’informations sur la composition des produits de toilette. En perspective il y a aussi la volonté de décrypter les produits ménagers … et d’asseoir la position de l’entreprise dans les autres pays francophones frontaliers comme la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg.Il s’agit également de développer d’autres fonctionnalités plus performantes qui seront elles payantes sur l’application.

Bref Yuka a beaucoup de paramètres à prendre en compte pour progresser et affiner son offre, confirmer son succès en collant aux problématiques de la filière agro-alimentaires et aux attentes des consommateurs. Sa diversification devra en tenir compte. A suivre donc, avec intérêt et curiosité car cette application est représentative des mutations de la foodtech et du marché qu’elle représente.

Pour en savoir plus :

madame.lefigaro.fr/business/

https://www.lsa-conso.fr/

https://www.welcometothejungle.co/companies/yuka

https://yuka.io/

https://www.youtube.com/

https://www.liberation.fr/checknews/2018/05/17/yuka-est-elle-une-application-publicitaire-deguisee_1653688